La population des enfants atteints de surdicécité s'est considérablement élargie au cours des dernières années. Aux États-Unis, les premiers programmes destinés aux enfants sourdaveugles étaient de nature académique et généralement associés à des écoles pour aveugles. Ils s'adressaient la majeure partie du temps à des enfants dont le seul handicap était la surdicécité, qui avaient perdu la vue ou l'ouïe après la naissance. La naissance d'environ 5 000 enfants sourdaveugles à la suite de l'épidémie de rubéole de 1964-1965 a changé la nature de l'éducation de ces enfants.
Cette population présentait, par rapport à la population actuelle d'enfants, un ensemble défini de caractéristiques médicales (par exemple, troubles cardiaques, glaucome, cataracte, pertes auditives sensorielles et neurales). Bien qu'il y ait des différences en son sein, il existe de nombreux points communs, au sein de cette population, notamment en ce qui concerne les approches éducatives.
L'élargissement de la population sourde et aveugle identifiée depuis 1965 s'explique principalement par deux raisons. Les progrès de la technologie médicale ont permis de sauver la vie d'enfants nés prématurément et/ou présentant de multiples anomalies congénitales (Miles & Riggio, 1999). L'évolution des troubles du développement est liée au progrès de la réanimation et des soins adaptés. Le taux de guérison et l'adaptation des enfants présentant des déficiences légères sont plus élevés. Les taux de survie et l'espérance de vie des personnes atteintes de troubles graves du développement sont plus importants. La prévalence des diagnostics au sein des différents types de groupes de déficience évolue, le nombre d'étiologies infectieuses et traumatiques diminue et le pourcentage de pathologie génétique augmente. Les troubles acquis cèdent la place aux troubles congénitaux (Guidetti & Tourrette, 2018).
En outre, grâce à l'amélioration des diagnostics médicaux et aux progrès de l'étude de la génétique, de nombreux enfants sont pris en charge alors qu'ils n'auraient pas été identifiés auparavant comme ayant des déficiences visuelles et auditives (Miles & Riggio, 1999).
Les données statistiques sur l'évolution de l'étiologie de la surdicécité au cours des dernières décennies montrent la prévalence des enfants présentant des déficiences congénitales de la vision et de l'audition combinées à d'autres troubles (Басилова (Basilova), 2011; Меликсетян (Meliksetyan) et al., 2018). Cela est dû en grande partie aux progrès médicaux dans la prise en charge des enfants prématurés et des enfants présentant des syndromes génétiques rares.
Les changements dans l'étiologie des déficiences auditives et visuelles conduisent à un mélange de surdicécité congénitale et d'un autre groupe de troubles du développement – les déficiences multiples, ou polyhandicap. Le groupe de « surdicécité pure » est très petit (Lombardi, 2019).
Toutefois, le terme « polyhandicap » est générique et large. Il n'est pas possible de déterminer à partir du ce terme : combien de déficiences un enfant a, quels types de déficiences sont présents ; ou la gravité de chaque déficience (Lombardi, 2019).
Un trait commun du groupe est le fait que la plupart des enfants souffrant de handicaps multiples ont besoin d'une certaine forme d'aide et de soutien tout au long de leur vie. Pour ce groupe, l'apprentissage ne peut avoir lieu qu'au travers d'activités partagées avec autrui (Lombardi, 2019) .
Une autre caractéristique importante de la population contemporaine d'enfants atteints de surdicécité congénitale est le nombre croissant de déficiences visuelles et auditives d'origine cérébrale. La déficience visuelle d’origine cérébrale est la principale cause de déficience visuelle infantile dans les pays développés. La prévalence estimée du trouble auditif central chez les enfants d'âge scolaire est de 2 à 5 % (Obuchi et al., 2017).
Les enfants manifestant des déficiences complexes sévères peuvent présenter diverses combinaisons de déficiences auditives et visuelles périphériques et centrales, des problèmes oculomoteurs, ainsi que des traits perceptifs et comportementaux autistiques (Hoevenaars-van den Boom et al., 2009).