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    • Le degré d'hétérogénéité dans le groupe de personnes sourdaveugles et présentant une double déficience sensorielle est grandement influencé par l'énorme variabilité des combinaisons possibles du degré, de la nature et du moment de l'apparition de la déficience auditive et visuelle.

      D'un point de vue sensoriel, le handicap de la surdicécité peut être divisé en quatre catégories :

      • Les personnes totalement sourdes et totalement aveugles
      • Les personnes totalement sourdes et malvoyantes
      • Les personnes malentendantes et totalement aveugles
      • Les personnes malentendantes et malvoyantes

      Pour mieux comprendre la personne atteinte de surdicécité, il faut tenir compte de l'âge d'apparition de la pathologie, de toute correction (chirurgie, lentilles, appareils auditifs, etc.), de la mesure des handicaps physiques et cognitifs associés et des déficiences de santé additionnelles (Miles & Riggio, 1999).

      Les critères permettant de déterminer le degré de déficience visuelle sont l'acuité visuelle et le champ visuel. Toutefois, la vision des couleurs, la sensibilité aux contrastes, la sensibilité à la lumière et la vision de près et de loin sont également reconnues comme des caractéristiques de la fonction visuelle. Les critères classiques de la déficience auditive sont la plage de fréquences et l’intensité des sons perçus. Les méthodes objectives d'évaluation de l'audition et de la vision visent à évaluer ces paramètres. Aujourd'hui, dans les pays industrialisés où la technologie médicale est développée, on constate une prédominance de la déficience visuelle cérébrale par rapport à celle périphérique (Chabrol & Desguerre, 2020; Mazel, 2020). Ses manifestations sont décrites dans la littérature des dernières décennies et seront abordées plus en détail plus loin dans cette revue. Il existe également des troubles du traitement acoustique central, sur lesquels il est plus difficile de trouver des informations, car les définitions varient d'un pays à l'autre et le diagnostic est difficile à vérifier (Moore et al., 2018).

      Le moment de l'apparition de la déficience visuelle et auditive joue un rôle essentiel dans le développement de l'enfant. La déficience visuelle congénitale entraîne des effets sur le développement beaucoup plus importants que la déficience visuelle acquise (Dalby et al., 2009).

      La classification en fonction de l'apparition de la double perte sensorielle comprend trois groupes principaux : 

      • Surdicécité congénitale : depuis la naissance ; 
      • Surdicécité acquise : après l'acquisition du langage (pendant la petite enfance, la puberté ou la jeune adolescence) ; 
      • Surdicécité liée à l'âge : elle touche les personnes de plus de 50 ans et est due au vieillissement

      (Janssen et al., 2021).

      Les personnes pour lesquelles la surdicécité apparaît plusieurs années après la naissance peuvent garder en mémoire des images acoustiques et visuelles du monde. Elles peuvent également garder leurs compétences sociales, langagières et spatiales. La surdicécité acquise change leur façon de communiquer, de s’orienter et nécessite une assistante technique ou humaine accompagnée d’un support psychologique. Dans ce cas, l’aspect psychologique est sans doute plus important.

      Comparées aux personnes avec une surdicécité acquise, le développement des personnes nées sourdaveugles est totalement différent. L’enfant né sourdaveugle développe une image particulière du monde qui l’entoure. Il n’a pas d’image visuelle ou acoustique, il est ainsi difficile d’imaginer quelles sont ses représentations des objets, des personnes et de son environnement. La surdicécité congénitale change radicalement le développement cognitif, social et émotionnel, comparé à celui d’une surdicécité acquise. La surdicécité congénitale contraint à développer pour les personnes proches, des stratégies spécifiques en ce qui concerne : les interactions, les échanges d’informations et la façon d’éduquer. Ainsi, les parents et les professionnels qui vivent et travaillent au quotidien avec l'enfant jouent un rôle de premier plan dans la compréhension et la satisfaction de ses besoins perceptifs en lui fournissant une stimulation sensorielle appropriée, en lui permettant de découvrir et de développer ses moyens de communication (Lefebvre et al., 2016).

      Un autre facteur est aussi à prendre en considération : lors d’une surdicécité congénitale, d’autres problèmes développementaux apparaissent fréquemment en parallèle ou en complément.

      La surdicécité est un handicap à faible population, mais elle est souvent aggravée par des handicaps concomitants. Le 2019 Child Count of Children and Youth Who Are Deaf-Blind, publié par le National Center on Deaf-Blindness (NCDB), indique qu'il y a 10 627 nourrissons, enfants et jeunes adultes aux États-Unis identifiés comme ayant une perte combinée de l'audition et de la vision, un nombre plus élevé que les 9 384 rapportés dans le Child Count de 2014. Près de 90 % des enfants et des jeunes recensés dans le National Deaf-Blind Child Count ont un ou plusieurs handicaps en plus de la surdicécité. L'étude du Centre a également révélé que 42 % des étudiants souffrant d'une perte combinée de l'audition et de la vision avaient quatre handicaps supplémentaires ou plus (Wolford, 2021).

      La surdicécité congénitale est définie différemment selon les sources, tant sur le plan chronologique que fonctionnel (de la naissance, à l'âge de 2 ans, à l'âge de 3 ans / avant l'acquisition du langage, avant l'acquisition des compétences fondamentales de communication).

      La surdicécité congénitale entraîne des privations physiques et sociales et limite l'accès au monde.

      Pour les personnes sourdaveugles, la perception tactile joue un rôle essentiel dans toutes activités du quotidien. Elle est fragmentée et intermittente, contrairement à la perception visuelle et auditive constante et holistique. Elle offre un accès insuffisant aux informations distantes et prend plus de temps pour percevoir et traiter toutes les informations entrantes.

      Dans un environnement non adapté et non sécurisé, la personne sourdaveugle se trouve dans une situation de privation cognitive-motrice, ainsi qu'émotionnelle et culturelle (Larsen et al., 2014).

      Bien que des ressources et des technologies soient disponibles pour enseigner aux enfants atteints de déficience visuelle, auditive ou de double déficience sensorielle, tous les enfants n'y ont pas accès car leurs caractéristiques visuelles et auditives ne sont pas diagnostiquées. Par exemple, une déficience auditive accompagnée de multiples troubles du développement ou une déficience visuelle progressive peut ne pas être identifiée. Dans ce cas, les besoins éducatifs individuels ne sont pas entièrement pris en compte (Spring, 2019). De plus la manière d'éduquer les enfants sourdaveugles est peu connue de la plupart des professionnels de l'éducation (Lombardi, 2019), compte tenu de la faible population, de son hétérogénéité et de sa dispersion géographique.

      Dans certains cas, les parents, qui connaissent le comportement auditif et visuel de leur enfant, expliquent aux enseignants comment leur enfant peut mieux s’approprier le matériel d'apprentissage (Spring, 2019).